C’est donc parti pour deux jours de bateau sur le Mékong pour rejoindre Luang Prabang.


Bien installés dans des sièges de voiture recyclés pour le bateau, nous profitons de ces deux jours pour dormir un peu, regarder le paysage défilé, écrire un article, regarder « à la poursuite du diamant vert » (il n’a pas très bien vieilli ce film) et puis manger.

On avance doucement, le voyage est paisible et reposant. Ça nous change, c’est agréable de se dire que durant ces deux jours de navigation on se laisse guider, sans rien faire, juste regarder. Les paysages sont verts, les nuages bas, il pleut régulièrement. On s’arrête une nuit sur la route, à Pakbeng, on se fait un copain Canadien.

On nous proposera de l’opium et du cannabis. On savait que le Laos est un grand producteur d’opium et autre substance illicite, c’est confirmé.


Nous arriverons à Luang Prabang sous la pluie pour y rester plusieurs jours et surtout trouver une moto. La ville, classée, au patrimoine mondial est belle avec son architecture coloniale, ses temples scintillants, il y a des frangipaniers un peu partout. Les fleurs blanches sont belles et ça sent bon, même très bon. Luang Prabang est une ville paisible ou ne peut que s’y sentir bien.

Malgré la pluie, l’atmosphère y est reposante et on ne fera pas grand-chose à part chercher notre future moto, se reposer.

Je me ferais masser par une masseuse malade qui fera des pauses crachats par la fenêtre, et déguster des jus de fruit frais et des sandwichs à l’avocat proposés sur le marché. Voilà un programme un peu plus sédentaire et fort agréable.


Nous trouvons la moto sur un site d’expatriés, ou la plupart des personnes vendent leur moto après avoir fait un tour du Laos et Vietnam avec. C’est la seule en vente à Luang Prabang et la fille qui nous la vend à l’air honnête. C’est une Honda Win Vietnamienne. Le modèle que l’on cherchait, très pratique car très courante pour les réparations en tout genre. Elle n’est pas neuve, rafistolée avec des fils qui pendent un peu partout, elle fait du bruit, mais on l’achète quand même pour 350 dollars. Je crois que le jour de l’achat, on est davantage sceptiques que contents. 


Quelques rodages, plusieurs calages, et nous voilà motards. Enfin doucement, avant d’entamer la grande route, nous commençons par aller voir les cascades de « Ta Kouang Si » et des ours (dans le cadre d’un projet de protection) à une trentaine de kilomètre de la ville. Ici, les ours sont braconnés pour leur bile et leur vertus médicinale (selon les chinois). L’endroit est vraiment très beau aux abords d’une forêt constitué de piscines naturelles bleu clair. Dommage qu’on ait oublié nos maillots de bain et surtout dommage que dans un endroit aussi joli et paisible un drone vient nous casser les oreilles. C’est la nouvelle mode pour les touristes, arriver avec sa petite malette, tout sortir pour faire une vidéo et vendre du rêve à ceux restés au pays, et aux autres touristes médusés.


Malgré la route, une soixantaine de kilomètres, toute défoncée notre nouvel achat a l’air de tenir la route. Nous sommes quand même un peu soulagés de ce premier trajet sans encombre. Le soir, nous faisons le test en condition réelle, c’est-à-dire avec nos deux sacs à l’arrière. On essayera de les mettre l’un par-dessus l’autre, puis côte à côte, avec des tendeurs, ça a l’air de tenir.


Le lendemain, nous voilà sur notre engin, prêt à faire les 200 km qui nous séparent de notre point de chute. Nous descendons vers le sud, direction Phonsavan, avec une halte entre deux car Phonsavan est a plus de 260 km de Luang Prabang. On se rend compte rapidement qu’en plus des routes en mauvaises états, la route est très très sinueuse et ça monte. Autant dire qu’on n’avance pas bien vite, les montées se font souvent en première. On s’arrête régulièrement pour profiter de la vue et soulager nos derrières (la selle n’est pas très confortable).


On doit parcourir 100 km en plus de 4h. Les routes ne sont pas en bon état, mais les laotiens tentent par endroit de les refaire. Sur certaine portion, il y a du goudron tout frais, mais qui couvre l’ensemble de la route, nous n’avons pas d’autres choix que de traverser ce goudron chaud et glissant au ralenti. Autant dire que la chute est à proscrire. Nous traversons plein de villages, qui semblent aussi isolés les uns des autres. On nous regarde, on nous salue, surtout les enfants. Il y en a beaucoup là aussi, qui court un peu partout, ils faut faire attention. De toute façon, on n'avance pas très très vite.


Les scènes de vie dans les villages sont sympas, les personnes se lavent le long de la route, on est dimanche et on a l’impression que c’est le grand nettoyage de printemps, entre le linge, les « douches aux seaux », et tout ces enfants que nous croisons qui se font faire enlever leur poux de tête à la main par maman. Sur la route nous croisons un tas de bêtes ; poules, cochons, vaches, chèvres qui se promènent en liberté. Nous manquons d’écraser une poule, ce qui nous vaut de finir sur le côté à vitesse très réduite et sans bobos. Plus de peur de que de mal pour elle comme pour nous, on repart aussitôt.

La fin de journée et notre point de chute pour la nuit approchent, 5km tout au plus après 6 heures de route, nous faisons une pause photo des rizières.


Et là, on ne redémarre pas. Plusieurs tentatives, mais en vain. Heureusement au Laos, il y a autant de garages que de boulangeries chez nous. On nous en indique un à environ 1km (qui en feront 5 et à pousser une moto c’est fatiguant). Un couple anglais s’arrête et tente de regarder ce qui ne fonctionne pas. Finalement ils m’emmèneront avec nos sacs à l’hôtel et Marc poussera jusqu’au garage.


Marc occupé, je me retrouve donc à négocier une chambre avec une laotienne peu souriante et chaleureuse. La chambre est juste glauque et poussiéreuse, elle ne semble pas avoir été utilisée voir aérée depuis des mois. Le garagiste dépose Marc à l’hôtel, c’est le moteur. Merde. Il va changer ce qu’il doit changer dans la nuit et on espère que demain, ça remarchera et qu’on en aura pas pour une blinde. Mon état d’esprit est un peu morose à ce moment-là, notre logeuse nous propose une soupe de nouilles bien plus chère que le prix initial, tant pis, pour ce soir, on se nourrira de bière, qui est bien moins chère. Marc arrive encore à négocier le prix de la chambre et le thé offert le lendemain (super négociateur).


Au moment de se coucher dans cette chambre sordide, je vois des mégots par terre et toute une compagnie de différents insectes sur les murs. Ce n’est pas une généralité au Laos, juste sur ce coup-là on est mal tombé. On s’endort malgré tout en se disant qu’on sera un vrai garde-manger pour ces insectes. Cette première journée avec notre engin est assez mitigée.


Le lendemain Marc repart au garage et je le vois revenir avec ! Joie, ça remarche, le garagiste a changé une bonne partie du moteur dans la nuit et nous en avons pour moins cher que ce que nous pensions, 40 euros. Tout contents, on charge et nous apprêtons à faire les 50 km qui nous séparent de Phonsavan, mais elle ne redémarre pas.


Pas de bol, ou un peu car le garage n’est qu’à un kilomètre. On y retourne donc. Ce n’est pas le moteur, juste le démarreur. Le garagiste l’enlève et me dit que ce sera plus simple pour démarrer avec le kik. En effet, ce le sera.


Autant en profiter pour une vérification générale. Il nous dit que le roulement arrière de la roue est un peu abîmé. Plutôt que de le changer, il entourera autour un morceau de canette de bière pour le renforcer et le stabiliser. On finit par relativiser et en rigoler. Il semble habiter là avec sa femme et sa fille, encore bébé, handicapée et aveugle, on est dimanche ici, ils n'ont pas de jour de repos, ou si peu.


Il y a un lit au fond de l’atelier. Certains sont là pour regarder ce qu’il se passe en fumant. Une photo de jésus est accrochée au mur. Nous traversons dans ces paysages de montagnes différentes ethnies et difficile de dire qui croit en quoi, et les différences avec les autres villages, en effet nous ne faisons que traverser et n’échangeons avec le gens que quelques sourire.

Ici, c’est avec un vrai plaisir que nous retrouvons ces sourires. Nous avions craint que la Birmanie soit la dernière à nous offrir cela mais ce n’est pas le cas, même si ici ils semblent plus timides, ils sont quand même pour la plupart très accueillants et souriants face aux touristes de passage.


Dans ce garage, on échange les quelques mots que nous avons appris, c’est dimanche, jour pour certains de s’alcooliser, et même si on se comprend peu, on rigole. Drôle d’ambiance dans ce garage ou il n’y a que le garagiste qui travail.


Au bout d’une heure, tout semble réparé et nous pouvons repartir. On ne lui fait plus trop confiance à cette moto et on espère que ces réparations étaient pour elle le temps d’adaptation à nos charges.


Nous finissons par arriver à Phonsavan sans autres difficultés sur une route plus plate mais toujours sinueuse.


Nous resterons deux jours sur place pour aller voir des jarres et des trous dut aux bombes, mais aussi pour nous remettre de ces premières émotions.